Dans : À pieds // Loin
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An isolated remnant of a bygone fin

par | 17 novembre 2007 | 6 commentaires

[singlepic=220,174] « Un reste isolé d’aileron du passé », c’est la définition fort peu poétique donnée par la brochure reçue à l’entrée de Arches National Park, pour décrire la merveille des merveilles minérales : Delicate Arch. Ce soir là, nous avions fait le pari d’arriver juste avant le coucher du soleil pour admirer la perle des arches […]

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« Un reste isolé d’aileron du passé », c’est la définition fort peu poétique donnée par la brochure reçue à l’entrée de Arches National Park, pour décrire la merveille des merveilles minérales : Delicate Arch.

Ce soir là, nous avions fait le pari d’arriver juste avant le coucher du soleil pour admirer la perle des arches naturelles dans les meilleures conditions. Un soleil encore barré par de nombreux nuages gris au moment de notre départ.

L’énorme avantage de Moab est qu’il est possible de s’y organiser deux activités outdoor dans la même journée. Ainsi, après la fraicheur des montagnes de Moonlight Meadows le matin et la sieste de l’après-midi, il nous restait assez de temps pour faire une première incursion dans le parc national des arches, à quelques kilomètres à peine de la sortie nord de la ville.

Moab faultDix dollars pour un pass de trois jours, et nous nous élevons en voiture, juste au-dessus de la vallée de Moab, dans un décor de plus en plus grandiose. Un premier panneau détaille le principe géologique de Moab Fault, un gigantesque glissement de terrain de 800 m de dénivelé négatif qui est à l’origine de nombreuses formations minérales uniques au monde.

[singlepic=177,300,200]Premier pit stop à Park Avenue, un alignement impressionnant de dalles verticales en forme de buildings avec des tours minérales improbables comme celles des Court Towers.

Le long de la petite route qui serpente à travers les Petrified Dunes et les Rock Pinacles, les jeux d’ombres et de lumières nous font leur show coloré. Le soleil commence juste à percer sous la couche nébuleuse, on sent que ça va être la fête !

[singlepic=185,300,200]Une vingtaine de kilomètres plus loin (le parc fait 32 km dans sa plus grande longueur), nous nous garons au parking de Wolfe Ranch, une bâtisse séculaire qui illustre bien les conditions de vie des premiers colons de la région. Un peu de hiking maintenant, il reste 2,5 km et +150 m pour mériter le spectacle.

L’essentiel de la montée se fait sur une immense dalle façon slickrock, parsemée de cairns visiblement entretenus artistiquement par les visiteurs. Beaucoup de groupes et de familles redescendent ce qui laisse présager une visite plutôt calme. Le soleil est maintenant calé entre les nuages qu’il quitte et l’horizon qu’il rejoint, et l’effet miroir de cette couche humide provoque des effets de saturation de couleurs que l’on croirait presque artificiels.

[singlepic=188,300,200]A l’approche du site, je ne peux m’empêcher d’accélérer le pas jusqu’à courir pour ne pas louper une miette de cet instant que l’on perçoit déjà comme exceptionnel, et je transpire à grosse gouttes dans un air encore très chaud, tout en croisant quelques visiteurs sur le retour, un peu éberlués. La dernière partie de l’accès a visiblement été creusée à même la paroi pour être suffisamment « tourist safe », car les à-pics du défilé rocheux commencent à devenir conséquents.

[singlepic=195,300,200]Brusquement, une sorte de brouhaha de voix basses se fait entendre. Le passage qui contourne une masse rocheuse est à l’ombre et en contrebas d’une petite baisse, toujours en slickrock, où quelques dizaines de personnes assises, couchées ou debout sont là, dans une sorte de méditation collective. Des pieds d’appareils photo sont dressé un peu partout, à l’affût de l’instant magique, et du cliché qu’il ne faut pas rater.

[singlepic=192,300,200]Et photographe ou pas, il y a de quoi s’en mettre plein la vue. Depuis la baisse, on entre dans un décor complètement irréel, que la lumière chaude et rasante intensifie, exalte, exagère. Un grand cirque ovale aux lignes lisses et parfaites, quelques tourelles de guet, telles des empilements de terre d’argile fraîches délaissés par un potier, il y a quelques millions d’années. Au fond, Cache Valley et au loin, les montagnes de La Sal où nous roulions le matin même. Et au milieu de cet ensemble improbable, dressée dans un équilibre penché qu’il faut bien admettre, emblème incontournable de l’Utah, l’Arche Délicate

Tandis que Susie arrive à la baisse, je ne peux résister à m’avancer vers le monument, avec une certaine retenue au vu du nombre d’objectifs braqués vers le spot. Tout comme à Slickrock, la roche offre une adhérence sans égal, mais de la même façon, les pentes tendent toutes à de nombreux endroits vers la verticale, et il faut rester lucide pour ne pas rejoindre les quelques imprudents qui font des vols sans retour tous les ans.

[singlepic=197,300,200]Au pied de l’arche, on se sent infiniment petit. Une fois dessous, on est pris par un mélange de vertige et de vibrations telluriques indescriptible. Et lorsqu’on fait face au « public », on tourne le dos à la falaise, avec un vide d’une centaine de mètres ! Je ne m’éternise pas sous l’impressionnante masse minérale. Non pas que je doute de sa stabilité pour quelques siècles supplémentaires, mais surtout parce que je ne veux pas figurer systématiquement dans des dizaines d’albums souvenirs, et aussi parce que je tiens moi-même à capter un maximum d’images durant ces dernières vingt minutes de soleil rouge crépusculaire. Un moyen sûr à la fois de les conserver et aussi de les partager. Descente au fond du cirque, contre plongées sous tous les angles, heureusement que la « belle » n’est pas pudique, depuis tout ce temps…

Un bruit de clochettes tibétaines. Est-ce que je rêve ? Non, une femme s’est mise à l’écart, et tournée vers l’arche, elle récite quelques mantras entrecoupés de tintements cristallins. Il faut dire que le lieu se prête religieusement à toute forme de prière, aussi cette vision inhabituelle ne m’étonne guère.

[singlepic=214,300,200]Et puis le rideau tombe. Les derniers rayons s’évanouissent, laissant place à un éclairage blafard entre chiens et loups. Les gens se remettent à respirer, à parler plus fort, tout en quittant progressivement le théâtre minéral. Certains comme nous ont du mal à partir. Un moment d’éternité que l’on aimerait faire durer. Mais l’idée de parcourir le chemin inverse dans la nuit noire avec une unique petite frontale symbolique n’inspire pas trop Susie.

[singlepic=218,300,200]Sur le retour, nous faisons une petite pause sur l’immense dalle rocheuse pour profiter du calme intense et admirer l’horizon qui se noie dans le bleu nuit, mais le réveil des moustiques nous rappelle vite à l’ordre. Un petit détour lugubre par le ranch des Wolfe dans la nuit devenue noire, et puis nous repartons, seuls, sous quelques gouttes de pluie égarées dans un désert de monuments désormais invisibles.

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