Parmi les plus belles séquences des vidéos Fagerlin, celles qui nous avaient spécialement marqué étaient sans doute ces vues en caméra embarquée de sentiers sur des crêtes étroites et bien « gazeuses » avec le vent qui chasse le sable dans le soleil couchant.
Welcome to the Bookcliffs, ces vieilles collines qui forment la bordure nord de Grand Valley, et qui se poursuivent jusque dans l’Utah. Et si on parle encore d’ancien shoreline, ici, c’était assurément le Touquet-Paris-Plage des dinosaures !
[singlepic=78,300,200]Levés tôt, comme d’habitude depuis le début du séjour, pause café et consultation de guide et cartes chez BK, puis nous empruntons une petite route de campagne entre les fermes éparses qui se transforme bientôt en très large piste au beau milieu du désert.
Par endroit les premières dunes de sable gris font leur apparition, comme abandonnées depuis trop longtemps par les vagues et les courants marins. Ces premiers spots sont réservés aux motos, 4×4 et autres quads pétaradants, et ça se voit : c’est labouré dans tous les sens.
Puis la grande étendue à nouveau pendant environ 7 km, sur une piste tôle ondulée, parfois bordées de fleurs de tournesol, avec les fameux Bookcliffs qui sortent peu à peu de l’horizon dans la lumière matinale.
[singlepic=80,300,200]On atteint le parking spécialement installé pour les pratiquants qui se résument essentiellement aux vététistes, mais aussi aux cavaliers et randonneurs pédestres. Nous sommes seuls.
Encore une fois, tout est parfaitement aménagé. Le kiosque central, seul point d’ombre bienvenu dans ce désert, présente la carte détaillée des parcours et la longue liste des consignes pour les campeurs et les pratiquants, avec la boite aux lettres qui offre en principe des parcours imprimés. Là, il y a seulement un tract d’invitation à s’engager pour la défense des sentiers pour les vélos, régulièrement mis à mal par des propriétaires ou autres lobbies influents.
Il y a aussi la vespasienne sans eau, comme dans l’Utah, une cabine en béton propre, spacieuse et entretenue, et qui ne sent même pas mauvais malgré la technique ancestrale utilisée : une fosse sous la cuvette, et une cheminée qui évacue les odeurs par l’extérieur. C’est bien pensé et ça évite de rouler dans les déjections humaines et le papier rose !
En préparant nos vélos dans le calme absolu, à peine troublé par les cris des écureuils des sables (que je nomme comme ça car je n’ai pas encore réussi à trouver leur nom exact, si un spécialiste passe par là !), une fille débouche de nulle part sur son vélo, s’arrête cinq minutes sous le kiosque et repart aussitôt à fond sur un autre sentier.
(Edit : Merci à Denis, premier à me donner la réponse : il s’agit donc de « chiens de prairie » bien que ce ne soit que des rongeurs.)
[singlepic=83,300,200]Puis un pickup arrive. Le gars monte son vélo rigide, une sorte de dirt bike, et on le reconnaît aussitôt avec ses tatouages de vélo plein les bras, ses boucles d’oreilles et ses lunettes d’inspecteur Derrick, c’est le cuistot du Hot Tomato Cafe, le super petit resto pizzeria en face du célèbre bike shop de Fruita, Over The Edge Sports, où on a apprécié à deux reprises les méga salades à toute heure et la bière. Plutôt timide, il s’en va aussi de son côté.
Nous on attaque par Prime Cut et Chutes & Ladders, une première classique 100% singletrack. Prime Cut est le sentier de montée vers les dunes, il annonce bien la couleur du terrain : un long ruban de sable dur au milieu des herbes sèches qui serpente en exploitant le moindre creux et la moindre bosse.
[singlepic=86,300,200]Chutes & Ladders est à la base une sorte de jeu de l’oie dans lequel les enfants empruntent un parcours agrémenté d’une série d’échelles de de toboggans, et c’est justement ce qui nous attend le long des Bookcliffs, avec une série de petites montées raides et de descentes du même tonneau.
On traverse la Sea of Whoops, très amusante, puis on redescend progressivement par un enchaînement jouissif qui se termine en un interminable faux plat descendant rapide, agrémenté de virages dual slalom et quelques bosses à sauter : le sentier idéal pour travailler le flow ! Et on roule pédale comme ça en plein désert, concentré sur ce ruban sablonneux très roulant, en compagnie de nos chiens de prairie qui jouent les curieux en détalant dans tous les sens avec leurs cris de marmottes, où en se laissant approcher à portée d’objectif. Et retour jusqu’au parking.
Après cette introduction de 12 km pour +150 m, on passe tout de suite au plat du jour, le célèbre Zippety Do Da, et ses non moins célèbres passages en crête dont on ne peut sortir que par un long mur bien gazeux. 14 km pour +220 m.
[singlepic=89,300,200]Je sors quand même souvent ma copie de carte et le guide, car les croisements de sentiers sont fréquents, les points remarquables pour ainsi dire inexistants, et les poteaux carrés qui supportent la signalétiques sont parfois difficiles à interpréter, même pour un esprit cartésien.
Le Fruita Fat Tire Guidebook, tout comme son homologue le Rider Mel’s MTB Guide to Moab d’ailleurs, sont bien faits, agréables à consulter et souvent humoristiques, mais la précision des tracés et des indications de bifurcations sont plutôt succinctes. Mieux vaut avoir sur soi des copies de topo du National Geographic, équivalents de nos Top 25 de l’IGN (en moins bien).
[singlepic=91,300,200]Pour aller chercher ces rubans de dunes, on fait d’abord un grand tour par l’ouest en passant par un double track qui longe un gazoduc enterré d’un côté, et un alignement jusqu’à l’infini de poteaux télégraphiques électriques de l’autre côté. Alors quand j’annonce à Susie d’un index sûr et décidé :
« En principe on tourne là-bas, tout au fond, à droite… »,
c’est bien sa confiance dans mon sens de l’orientation inébranlable qui la fait poursuivre ! 🙂 Le soleil commence à monter, et on repense à ces images de vautours qui tournoient, au-dessus de ces squelettes de vaches ou de chevaux, dans lesquels s’abritent quelques crotales ou scorpions à l’affût…
[singlepic=93,300,200]Bon j’exagère, les trois kilomètres de piste sont vite torchés, et le sentier montant nous rapproche à nouveau de Bookcliffs dans une prairie à l’herbe haute et blonde parsemée de petits arbres résineux et de massifs de fleurs endémiques du coin. Avec la pureté du ciel et le rouge des collines, le tableau est magnifique.
La grimpette se transforme en poussette sur le frontside, et le soleil combiné à la fatigue accumulée des premiers jours commence à puiser dans nos réserves. Une rencontre avec un lézard déterminé à nous barrer le passage au sommet sera l’occasion de quelques photos, tandis que l’on contemple l’énorme grand huit qui nous attend.
« Zippety is a gem of a ride for those who love fast, challenging, steep and very exposed singletrack. » (Fruita Fat Tire Guidebook)
[singlepic=100,300,200]Ce qui en bon français définit ce parcours comme un bijou pour ceux qui aiment les sentiers rapides, exigeant, raides et très exposés.
Pour ce qui est du challenge et du caractère exposé, notre habitude de rouler sur des parcours côtoyant souvent le vide limite quelque peu ces adjectifs, mais pour le reste, c’est une vraie expérience, que la vidéo embarquée devrait mieux retranscrire face aux trop rares photos.
Les trois gros passages en crête (une vraie, un V inversé avec un replat de deux pieds au sommet) avec le vent de travers qui vient tester votre équilibre ajouté à l’immensité désertique en contrebas, vous donnent de sacrées impressions. Et puis il faut plonger dans un mur, certes assez propre, mais qui exige une concentration proportionnelle à la vitesse d’accélération. Et moins on freine, plus on arrive à bien remonter la dune suivante! 😉
Retour à la voiture après quelques derniers whoops. Nous y retrouvons nos voisins de camping, un jeune couple de New Mexico qui passe ses vacances tous les ans entre Moab et Fruita, alternant VTT et vélo de route. Quant à nous, on décide d’en rester là aujourd’hui malgré l’envie qui nous tenaille de parcourir Kessel Run, sorte de slalom parfait agrémentés de jumps et de fast turns.
Next time…
Pierre, les animaux que tu as vus sont des prairie dogs, des chiens de prairie.
En anglais: http://en.wikipedia.org/wiki/Prairie_dog
En francais: http://fr.wikipedia.org/wiki/Chien_de_prairie
Zippetty do da…c’est un de mes parcours préféré !
Des longs single track et des pif paf de partout 🙂
C’était que du bonheur, en plus les single de crête étaient, non seulement un régal pour le VTT, mais aussi un pure bonheur pour la vue.
Je vois que avez pu profiter du seul coin d’ombre du coin…le kiosque du parking 😉
PS : sympa le lézard local, le notre était plus couleur vert/jaune.