Près d’un an auparavant, l’idée de participer à nouveau à ce monument de méga descente enduro « mass-start » avait germé avec quelques « Endurydeuses », dix ans après l’une des éditions les plus dantesques (neige et pluie).
Une sorte de challenge personnel et aussi pour battre en brèche l’idée qu’une sexagénaire n’a plus vraiment sa place depuis longtemps dans une course de jeunes bûcherons bourrins. Et puis maintenant qu’une catégorie e-bike existe depuis plusieurs éditions, c’est l’occasion de tester son nouveau Lapierre GLP3 dans des conditions engagées, et retrouver ces sensations que seules les courses savent procurer !
Prélude
Une semaine avant la course, nous procédons comme d’habitude avec une montée en van par sauts de puce jusqu’à Allemont, camp de base habituel en fond de vallée sous l’Alpe d’Huez avec son super camping du Grand Calme. Une bonne façon de découvrir des spots inconnus et aussi de se préparer de façon ludique.
Première halte à St André des Alpes avec au programme : « Les 74 épingles », pur délice de descente école cinq étoiles aux difficultés variées, suivie de la « Descente du décollage », plus technique et engagée, au départ du décollage des parapentes depuis un sommet panoramique qui domine le PNR du Verdon et le lac de Castillon.
Deuxième halte au lac de Serre Ponçon, face au pont qui le traverse jusqu’à Savines le Lac. Ici j’ai choisi une descente sèche de -1400m après une montée par la route à la station de Réallon 1570m, suivie d’une montée parfois très raide par les pistes 4×4 de la station jusqu’au sommet du télésiège de Chabrières 2146m, sous les aiguilles du même nom qui rappellent un peu les Dolomites.
Première partie de descente en bike park suivie d’un GR un peu cassé jusqu’au départ de la fameuse descente « Saint Apolépingle » que l’on m’avait vanté une quinzaine d’années auparavant. Le sentier blindé d’épingles qui traverse la forêt est très beau mais vraiment technique aussi et de plus en plus dégradé à l’approche du lac. Ne maîtrisant pas les « nose turns », beaucoup d’épingles seront passées à pieds.
Le joli lac de St Apollinaire, « St Apo » comme ils disent, reste toujours ce bijou de calme et de zénitude face au Pic du Morgon et les sommets de la station des Orres.
La dernière descente tracée depuis Trailforks et dénommée « St Apo – Serre Ponçon » en trois parties est une très belle découverte, vraiment ludique, parfois rapide, parfois en bord de ravin, et qui nous dépose au pied du lac, à quelques centaine de mètres de notre point de départ.
Les recos
Une fois arrivés dans l’Oisans, on abandonne l’idée d’une journée à Venosc et aux Deux Alpes, la route étant fermée depuis les terribles inondations de la Bérarde.
Nous passons donc trois jours à sillonner le domaine de l’Alpe d’Huez, à cumuler du dénivelé négatif, en privilégiant bien sûr les descentes permanentes cotées noires de la Mégavalanche, parcours qualif’ et course.
Le tout nouveau télécabine de l’Eau d’Olle et son départ juste derrière le camping permet de simplifier considérablement la liaison Allemont – Station, en évitant les longues navettes bus et leurs remorques à vélos que nous empruntions à l’époque.
Le temps reste invariablement ensoleillé et sec, et cela impactera la suite des évènements ! Banana prend de l’assurance à chaque descente et j’ai parfois du mal à la suivre (c’est pas nouveau !), elle est déjà dans sa course ! Mais on essaie de ne pas se cramer non plus, car nos temps de récupération respectifs ne sont plus ceux de l’époque !
L’incontournable reconnaissance du glacier de Sarenne (qui a définitivement fondu depuis quelques années) au départ du Pic Blanc à 3300m est épique comme toujours. Nous partageons la longue partie blindée de neige cette année sur trois km avec un groupe de joyeux Malaisiens qui ont fait le voyage pour cette course mythique. La piste n’est pas damée et la neige plutôt mooolle, on passe donc tant bien que mal les deux murs plus souvent sur les fesses que sur la selle, surtout pour Banana dont les pieds touchent à peine même selle basse.
Une fois passés les derniers névés , la suite avec la Cristallière et la longue traversée jusqu’à la piste du Poutran est nettement plus sympathique et Banana peut à nouveau se lâcher, quitte à doubler quelques hommes au passage.
La qualif’
Ça ne rigole plus. La tension monte, le stress et l’angoisse aussi. La bonne nouvelle c’est que les e-bikes partent en dernier des qualifications depuis le dôme des Petites Rousses à 2810m. Moins de risques de se faire rouler dessus par les fous-furieux d’une vague suivante.
Il fait toujours beau, et les consignes du coach sont claires : ne surtout prendre aucun risque, ne rien casser, car hormis le placement en grille pour la course, le résultat est quasiment sans effet pour ce groupe de 120 bikers.
Consignes bien suivies. Aucun incident, et classée dans les derniers de sa vague, une poignée de secondes derrière la troisième fille qui sera donc sa concurrente pour prétendre monter sur le podium, les deux premières étant des jeunettes semi-pro, et il n’y a que quatre filles pour 116 garçons !
Gros entretien vélos le soir. Pneu arrière neuf avec un insert mousse pour éviter les pincements, plaquettes de freins déjà changées la veille pour leur rodage.
On quitte le camping pour monter bivouaquer à la station, car cette fois, les e-bikes partent les tous premiers le samedi et les montées des vagues numérotées de coureurs dans les cabines débutent à 6h00 !
La course
La grosse nouvelle du jour qui avait déjà bruité dans les paddocks la veille, c’est qu’une fois de plus, comme il y a dix ans justement, le départ ne se fera pas du Pic Blanc mais depuis le dôme des Petites Rousses, comme pour la qualif’. Pour des raisons de sécurité compte tenu des conditions météo qui se sont subitement dégradées, et qui poseraient des problèmes aux secours en altitude en cas d’intervention.
C’est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle. Mauvaise parce que une fois encore, Banana ne fera pas le parcours intégral de la Méga avec la magie du départ sur la neige. Bonne nouvelle car elle n’aura pas à subir ces trois km d’enfer qui consomment beaucoup de temps et d’énergie pour elle avant un parcours lui-même déjà très long, physique et engagé.
Monter avec les premiers (DMC puis liaison à vélo jusqu’au téléphérique de l’Arpette – Petites Rousses) fait qu’il est tôt et qu’il faut attendre le premier départ jusqu’à 9h00 au sommet, où il fait froid et venteux. Alors comme il y a dix ans, on se réfugie à une quarantaine dans le cabanon du matériel de station pour patienter un peu à l’abri !
Le ciel est menaçant et il ne pleut pas pour le moment. Mais je n’ai pas bien regardé dans la vallée, car de gros nuages bien chargés s’aprêtent à se déverser sur la deuxième partie du parcours, entre Huez et Allemont.
Banana est enfin entrée dans sa grille de départ, très concentrée. Je récupère sa doudoune, lui conseille juste de garder son coupe-vent et de rouler safe, à son rythme. Mais j’aurais aimé lui dire aussi que ça risquait de glisser grave dans la deuxième partie, surtout après toutes ces recos roulées sur le sec…
Probablement plus stressé qu’elle, je prends des photos de son départ, assez compliqué avec tous ces resserrements de piste sur de la grosse caillasse et le franchissement du plateau neigeux (col du Lac Blanc) d’où émergent des dalles avec des franchissement qui imposent de bien mémoriser ses trajectoires.
Avec surprise, je la vois sortir de ce piège en laissant pas mal de pilotes derrière elle, c’est un super début.
Je prend direct le téléphérique à la descente pour faire le chemin inverse et rejoindre Allemont pour l’arrivée.
Avec moi, l’appli Live Tracking que nous avons paramétrée afin que je puisse la suivre en temps réel. Ça marche plutôt pas mal, même s’il y a parfois des à-coups dans le tracé, je vois qu’elle avance bien. C’est addictif, mais surtout stressant !
La chute
A la piste de Poutran, seule grosse remontée du parcours, elle est pointée à 25’05″ soit 80e sur 116 mais surtout 1’30″ devant sa concurrente Anglaise !
Aux environs des paravalanches, le point s’arrête. Ça ne bouge plus. Puis ça repart et s’arrête à nouveau peu après.
Seul dans ma cabine, c’est ma minute d’angoisse. Bug de transmission ou vrai problème ? Je suis est presque arrivé à la station d’Allemont lorsque je reçois son appel : elle a chuté lourdement dans cette descente rapide devenue extrêmement glissante avec les averses passées, a entendu un crac, a voulu continuer quelques virages malgré la douleur et un guidon de travers, et s’est arrêtée après un deuxième crac, prise en charge par deux secouristes présents sur le secteur.
Ils lui proposent l’hélico car positionnée assez loin d’une piste 4×4, mais elle préfèrera remonter péniblement le long du sentier jusqu’à la piste du Poutran où je la rejoindrai, accompagnée par ses deux secouristes super sympa, avant d’être transférée à la station puis au centre médical pour le diagnostic.
Nette fracture du cubitus avec déplacement. Il faut donc la réduire, ça douille, puis la plâtrer. Depuis une semaine, le centre ne désemplit pas. Il y a quand même pas mal de blessés sur les courses du week-end, même sur les recos !
Épilogue
Dernière nuit au calme près du lac Noir, sous des trombes d’eau, et avec quelques cachets pour Banana. Une radio de contrôle au centre, puis retour direct à la casa tandis que la course de dimanche est en pleine action.
Finalement, l’opération sera nécessaire pour lui poser une plaque. Convalescence, rééducation, patience.
Aucun regret pour cette semaine super variée et animée. Bénigne ou plus grave, la chute fait partie intégrante de ce sport en général et de la course en particulier. Ici l’âge n’est pas un facteur limitant, dans la mesure où le corps est bien entraîné, l’expérience et la technique affûtée. Il n’y a pas d’âge « approprié » pour pratiquer tel ou tel sport à risques, tant que le corps et l’esprit ne sont pas contraints, et qu’au contraire ils continuent à s’y épanouir.
Il est clair cependant que l’on ré-évalue en permanence notre marge de risque, car les récupérations post-blessures se rallongent, tandis que la force explosive, les réflexes et la force musculaire s’amenuisent lentement, mais surement.
Sur le chemin du retour nous avons débriefé en long et en large tous ces instants si intenses. Nous avons compris qu’un excès de confiance était rarement bénéfique, analysé que cette deuxième partie de descente était sur un terrain argileux, devenu patinoire en l’espace d’une petite heure seulement, admis que nous manquions d’expérience sur terrain humide, qu’il aurait juste fallu adapter sa vitesse, etc.
La reprise du vélo est attendue avec impatience, et la route sera longue pour retrouver la forme d’avant. C’est que nous avons encore de nombreuses montagnes à découvrir en France et ailleurs, à la recherche des plus beaux sentiers, des plus belles descentes, des meilleurs souvenirs !
Résultats : Mega E-Bike
Merci mon Bourriquet de me suivre par monts et par vaux. Sans toi je n’aurais pas pû réaliser toutes ces prouesses et rêves.
Continuons à être fou et vivons nos passions jusqu’au bout ❤️
Bonjour Suzie,
J’espère que tout va bien maintenant et que tu consolide bien ton cubitus.
En tout cas bravo d’oser encore faire des trucs pareils, de mon coté je fais tout pour ne pas tomber car à chaque fois les traces sont longues à effacer.
En tout cas encore un grand merci à Pierre pour ces posts et ses photos.
Bien amicalement
Alain