Marpha la belle
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marpha est animée. La ville ancestrale a su reconvertir son héritage de commerce du sel avec le Tibet, en ville touristique qui cultive l’accueil des trekkeurs — et les pommes — comme nulle part ailleurs.
Abritée des vents parfois violents qui remontent la vallée, elle a conservé tout le charme de ses traditions originelles : les murs sont peints de blanc, avec un pigment issu des pierres de la région, et les entourages de portes et de fenêtres soulignés d’ocre rouge. Les portes, parfois richement sculptées, témoignent de la richesse des propriétaires. Les toits sont plats, car les pluies se font rares. Leur rôle est essentiel : ils servent d’abord de stockage du bois de chauffage récolté pendant l’été, de plate-forme de séchage des céréales ou des fruits, de zone de travail « au chaud », d’aire de jeu pour les enfants. La longue ruelle principale est équipée d’un système de drainage ancestral qui passe sous les dalles de pierre qui la recouvrent.
L’essentiel de l’activité économique de la ville, outre l’agriculture très développée, se partage entre les restaurants et lodges très bien équipés et les échoppes d’artisanat Tibétain. On peut y trouver un bureau de change et un cyber-café avec un unique poste à la connexion un peu paresseuse et dépendante des coupures fréquentes d’électricité.
Le temple Bouddhiste qui domine la ville est magnifique, tout comme le gompa, un monastère dans la falaise. Mais pas le temps de visiter pour le moment, nous profitons du soleil et de la petite cours du lodge pour un entretien des vélos et la préparation de nos sacs, faire le plein d’eau bouillie par exemple.
Les nombreux enfants et locaux de passage sont au spectacle : les trekkeurs vététistes changent de l’ordinaire semble-t-il !
Désormais, la descente se paye cash
Nous quittons Marpha par la porte nord, pour une remontée de la vallée, vent dans le dos, parfois à proximité d’un troupeau de yaks, avant de bifurquer à gauche par un très long pont suspendu au-dessus de la rivière, direction Phalyak et Dhagarjung.
Selon Tangi, pour notre première descente en altitude, cet aller-et-retour vaut le détour. Il l’a d’ailleurs expérimenté avec les pilotes de Urge Népal l’année passée.
La montée sur piste est rude. Nous avons dépassé les 3000m et le vent qui monte de la vallée est parfois violent. Astérisme et surtout Banana sont à la peine, aussi je n’hésite pas à venir pousser ou porter le vélo de ma douce sur les portions les plus dures. C’est que j’aspire à ce qu’elle tienne la distance tout au long du trip !
Nous passons Dhagarjung qui nous donne l’impression d’une plongée dans le passé. A l’écart des circuits de trek, le village n’a que très peu modifié ses activités et ses habitudes de vie, centrées autour de l’élevage, des cultures en terrasse, et de la spiritualité.
Un dernier travers montant, roulable selon tangi, du moins lorsqu’on est en pleine forme et que l’on veut bien fermer la porte de la vallée pour les courants d’air, nous permet de rejoindre une baisse à 3500m. Pour ma part, je le monte en portage — doublé qui plus est — avec des rafales qui manquent de m’emporter vers l’aval à deux reprises (un vélo sur le dos offre une « réelle » prise au vent !).
Là-haut, rien à dire… Enfin on reste sans voix plutôt 😯 et même si on essayait, le vent serait le plus fort !
Côté sud-ouest, la profonde vallée Kali Gandaki avec la ville de Jomosom et son aérodrome. Côté sud, la suite des Nilgiri à 7061m. À l’est, le Muktinath Himal, autre chaine de plus de 6000m au milieu de laquelle passe le tour des Annapurnas par la célèbre Thorung La à 5416m, le col le plus haut du circuit, aussi considéré comme la plus haute voie de communication. Au nord-est, le haut Mustang minéral, avec ses plis géologiques laissés par la mer de Tethys, pendant la collision des continents, 160 millions d’année plus tôt.
Tangi s’impatiente : « Et si on descendait maintenant ? ». Débuts de pilotage un peu crispés avec les rafales qui t’attendent au détour d’un dévers pour mieux te catapulter. Puis c’est le grand plaisir sur un sentier billard tout en glisse. Le passage au coeur du village est surprenant. On se retrouve dans les ruelles étroites du village qui passent parfois en tunnel sous les habitations. Alors imaginez la surprise de Banana, alors qu’elle fermait le groupe, de tomber nez à nez avec un habitant sortant de chez lui par une porte dans le noir !
En moins d’une minute, précédés par les enfants, tous les habitants se sont regroupés sur une terrasse pour nous observer descendre une merveille de sentier sinueux sous le village (mauvaise gestion des batteries, je n’ai pas pu filmer cette portion).
Nous rejoignons à nouveau la rive gauche de la rivière après une énième crevaison de Tangi, qui joue un match serré avec Flo. Les trois autres équipés en tubeless, eux, comptant les points 🙂
Kagbeni, 2900m, porte du Haut Mustang
Encore une arrivée tardive dans le beau village fortifié de Kagbeni. Celui-ci occupait une place stratégique pendant le commerce du sel, des épices et des tissus, entre l’Inde et le Tibet, au confluent de deux rivières et leur deux vallées.
Comme beaucoup d’autres villages prospères de la vallée, leur commerce a du s’interrompre brutalement lors de l’invasion chinoise du Tibet, et avant que la manne touristique ne vienne compenser ce bouleversement, les villages se sont partiellement vidés de leurs habitants. Et il n’est pas certain que l’attrait de la consommation et du confort d’une vie moins rude chez les jeunes n’inverse cette tendance.
En attendant, nous avons rejoint le Red House Lodge, une belle maison typique reconvertie, et tenue par des femmes. Les aménagements intérieurs sont traditionnels et magnifiquement décorés. Il y a des moulures en bois peint, des tentures, des tableaux, de grands vaisseliers richement garnis, et même un petit temple de prières avec un bouddha géant.
Tangi connaissant bien la patronne, nous nous retrouvons tous en cuisine, seule pièce un peu moins froide que le reste de la maison, où l’on entretient le petit four à bois avec des crottes de yak séchées, et avons droit en prime à l’alcool local qui achève de nous réchauffer complètement. Laxman, toujours un peu à l’écart, comme tous les népalais qui travaillent pour les occidentaux, joue avec la benjamine de la maison, une petite pestouille de charme qui doit rendre folle sa mère et le reste de la famille tant son énergie est débordante !
Le diner se passe dans la belle salle de repas décorée, avec vue directe sur le Nilgiri. Et toujours la grosse nappe tissée couvrante et le brasero sous la table pour mieux apprécier les saveurs locales du Mustang.
Et en attendant le premier montage vidéo, une trouvaille sur le net d’un long-métrage Népalais titré Kagbeni, et dont la plupart des scènes sont tournées autour du village !
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3 Commentaires
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- L’adieu aux toits du monde | SophiaOutdoor - […] Kagbeni, le verrou des deux rivières […]
Pinaize, ça déchire encore…
Bravo pour tes Cr monsieur Bourriquet, c’est clair, bien écrit et documenté : j’adore.
Juste une remarque : il me semble que « la » en népalais signifie « col », d’où une redondance quand tu écris le thorung la pass… 😉
Ah, pis il manque aussi un article entre « crottes » et « yak »… re;-)
vivement la suite !
Merci Ricil, quel oeil ! La pass c’est effectivement rédigé comme ça sur la carte, mais c’est une répétition pour sûr, et je me suis empressé de rajouter la particule au yak, en espérant qu’il ne m’en tienne pas rigueur 😀
Certains laissent entendre le manque de « descente »… Attendez les gars, nous sommes passés de 800 à 2900m au cours des 3 derniers épisodes, et de plus, l’essentiel des descentes est… filmé ! C’est le gros travail à venir, dès que j’ai une config PC digne de la HD !
C’est vrai, ça monte tout le temps votre truc… au secours !
Mais qu’est ce que c’est beau !